Juliette CAULIER : « il n’est jamais trop tard …… »
Partager

Juliette CAULIER

La naissance de mon projet entrepreneurial 

J’ai souhaité commencer cet article en entrant directement dans le vif du sujet : ce qui m’a menée à ouvrir une boutique de mode seconde main sous la forme d’un dépôt-vente.

Après une enfance partagée entre la région Parisienne, l’Argentine et la Normandie, je poursuis mes études secondaires à Nancy dans une école de commerce. Ces études débouchent sur un stage chez Coca-Cola, entreprise que je quitterai finalement 10 ans plus tard pour des raisons que nous verrons dans la suite dans cet article.

C’est donc après 10 ans de bons et loyaux services au sein de ce géant de l’agroalimentaire, entre Paris et Londres, navigant dans les différents métiers du marketing, que je décide de voguer vers des horizons pas très lointains puisque je démarre un CDD de 9 mois au sein du groupe Meta en charge des partenariats et de l’événementiel.

Carrière toute tracée, route qui mène à un confort financier évident, c’est à l’issue de ces (presque) 11 ans au sein de grands groupes internationaux que je décide de tout plaquer pour ouvrir un dépôt-vente à Paris.

Ce n’est pas l’envie d’entreprendre absolument qui m’a conduite ici, mais plutôt l’envie de mettre l’énergie que je mettais dans de grands groupes au service d’une cause plus noble. Je ne suis pas née avec des engagements écologiques plein la tête, au début de ma carrière au sein de multinationales, ce n’était même pas quelque chose que je prenais en compte. Sur les pauses dej je me revois faire un tour chez h&m pour compenser la frustration d’une réunion par un achat compulsif.

Ce n’est qu’à partir des années Covid que j’ai eu une révélation : quand l’activité humaine s’arrête alors la nature reprend ses droits. C’est aussi simple que cela. J’ai commencé à militer en interne chez Coca-Cola pour revoir nos actions en faveur de l’environnement, et revoir nos priorités de manière générale. J’ai par ailleurs proposé une optimisation de nos opérations marketing autour de la Coupe du Monde au Qatar, je trouvais cela complètement délirant de proposer un plan marketing ‘business as usual’ pour une Coupe du Monde en dessous de tout (environnement, droits humains et j’en passe). La réponse du groupe a été claire : on ne change rien. C’est là que l’envie de faire autre chose a commencé à me titiller. J’ai rencontré des personnes merveilleuses chez Coca-Cola, c’est une belle boite, qui a un profond respect pour ses collaborateurs. Les projets sont tous plus intéressants les uns que les autres et les opportunités de carrière sont nombreuses. Dommage que les enjeux de société et d’avenir soient si peu pris en compte car ce sont les grands groupes à l’instar de ceux que j’ai connus qui ont les moyens financiers, humains et R&D de faire vraiment changer les choses.

Se révéler l’âme d’une militante

Tout cela pour dire qu’il n’est jamais trop tard pour se réveiller militant. Après 2 ans en Angleterre en tant que responsable des partenariats et de l’événementiel pour toutes les marques du portefeuille Coca-Cola, de retour à Paris, j’ai été recrutée chez Meta pour un CDD de 9 mois, à l’issu duquel je n’ai pas voulu rester, toujours un peu pour les mêmes raisons : pourquoi mettre autant d’énergie au service d’un groupe qui ne répond pas à mon besoin de faire les choses correctement.

Après 11 ans dans le monde de l’entreprise donc, forte du soutien de mon mari, entrepreneur lui-même et descendent de chefs d’entreprise, j’ai décidé de mettre une première pierre à l’édifice de ce projet qui me tenait tant à cœur : ouvrir un dépôt-vente de mode contemporaine.

L’industrie de la mode est la 2ème industrie la plus polluante au monde, et je vous passe les détails sur le traitement des travailleurs de la mode à l’autre bout de la planète.

La fast fashion est un fléau. Nous avons tous perdu la vraie valeur des choses. Il faut toujours se demander comment il est possible qu’un tee-shirt coute 3€. Il est évident qu’à ce prix là c’est soit la planète soit l’être humain (soit les deux) qui trinque.

Consommer seconde main c’est réduire son impact négatif sur l’environnement de 90%. C’est donc assez naturellement, étant une fan de seconde main moi-même, que j’ai voulu prouver que nous pouvions tous agir à notre échelle. Amener une seconde main premium et contemporaine au plus grand nombre représentait donc ma nouvelle mission.

C’est d’ailleurs pour lutter contre les fameux ‘à mon échelle je ne peux rien faire’ que j’ai aussi ouvert ma boutique. Nous avons tous des cartes en main pour faire bouger les choses, consommer 2nde main en fait partie, et c’est même agréable.

Une fois qu’on a goûté à un mode de consommation des vêtements plus responsable, il est assez naturel que notre style de vie tout entier évolue vers tout un fonctionnement plus responsable de l’environnement. Aussi, je ne prends presque plus l’avion et je ne mange ni viande ni poisson. Encore une fois, ce sont vraiment des actions à portée de main pour tous.

Joindre l’utile à l’agréable

Dans ce climat difficile où le pouvoir d’achat est fortement impacté, la 2nde main permet aussi pour mes déposantes (personnes qui déposent leurs vêtements pour qu’ils soient vendus) de récupérer un petit pécule ou bien de renouveler leur garde-robe directement en boutique grâce au fruit de leurs ventes. La boucle est bouclée, c’est un schéma super logique finalement.

La boutique

Ma boutique est située au 24b rue Popincourt, en plein cœur du 11ème arrondissement de Paris.

Je ne fonctionne qu’en dépôt-vente : ce sont les particuliers qui me déposent ce qu’ils ne portent plus, je vends pour eux (moyennant une commission de 55% sur le prix TTC) et ils récupèrent leur chèque au bout de 2 mois. Les invendus sont ensuite donnés à des associations.

Après 1,5 ans d’activité, j’ai un vrai sentiment de fierté :

  • J’ai réussi à construire un véritable réseau de déposantes et clientes qui me récompensent tous les jours par leur fidélité
  • Je suis parvenue à atteindre une certaine rentabilité de mon activité malgré toutes les charges qui nous incombent et surtout après 1 année et demi d’ouverture, il parait que c’est pas mal, même si j’ai du mal à m’en contenter
  • J’ai une belle petite notoriété dans le quartier et sur les réseaux
  • J’ai découvert une nouvelle casquette de ma personnalité en tant que militante écologique et soutien aux petits commerces de proximité. Je suis d’ailleurs co-présidente d’une association, Le Collectif 2nde main, visant à promouvoir les boutiques de 2nde main mode et déco du quartier et je suis très active au sein de l’association du Village Popincourt qui regroupe environ 70 commerçants qui se retrouvent autour des valeurs d’authenticité et de proximité. J’ai eu la chance de rencontrer et d’être soutenue par les élu.es du 11ème arrondissement mais aussi par les député.es des 7ème et 8ème circonscriptions, qui ont  entendu nos problématiques et se sont engagé.es à porter certains sujets à l’assemblée
  • J’ai réussi à convertir des réticentes à la 2nde main de ne s’habiller presque qu’exclusivement chez Shift

Mais tout n’est pas rose tous les jours

Malgré un tableau plutôt positif, ce qui pêche en revanche c’est la difficulté du quotidien car il n’est pas facile de se verser une rémunération chaque mois. Je suis capable de payer tout ce que je dois, ce qui reste c’est mon salaire, et parfois c’est 0, et cela n’est pas lissé sur l’année. Les charges sont très élevées et les aléas nombreux. C’est à se demander si c’est rentable d’avoir des convictions et de lutter pour des causes qui nous semblent juste. Est-ce que les convictions rapportent un salaire décent ? De nombreuses boutiques de notre quartier ferment leurs portes, faute de pouvoir payer leur loyer, et leurs fondateurs se réorientent vers le salariat qui apporte des garanties plus confortables.

On dit qu’il faut 3 ans pour atteindre un rythme de croisière lorsque l’on ouvre une boutique, l’impatience est aussi le propre de certains entrepreneurs dont je fais partie. L’essentiel c’est de planter toutes les graines possibles aujourd’hui pour en récolter les fruits d’ici quelques mois.

Et la suite ?

Même si le contexte actuel est compliqué, je crois énormément en mon projet. Le marché de la seconde main n’a de cesse que de gagner du terrain, répond aux enjeux actuels de réduction de notre empreinte carbone, de reprise du pouvoir d’achat et de recherche d’authenticité par les consommateurs.

C’est pourquoi je lance mon offre de commercialisation de la franchise. J’ai réussi à créer une marque qui peut facilement être déployée à Paris ou dans d’autres grandes villes françaises.
J’ouvre d’ailleurs ma première boutique franchisée à la mi-juin dans le 17ème arrondissement de Paris. S’il y a des intéressés par ce concept, qu’ils n’hésitent pas à me contacter via l’Instagram de la boutique. Outre l’idée de développer le parc de boutiques Shift, mon souhait c’est d’accompagner des entrepreneurs en herbe qui ne savent pas par où commencer mais qui ont envie de fonder quelque chose qui a du sens. Je propose donc de booster et d’accompagner l’entreprenariat féminin en donnant de mon temps et de mon expérience pour rendre encore plus accessible la mode en 2nde main.

SHIFT << Dépôt-vente

24bis rue Popincourt – PARIS 11e