SOUVENIRS… SOUVENIRS
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Michel ROURE
Michel ROURE

J’ai 80 ans bien sonnés.« Papa, tu ne les fais pas », me disent mes filles. Peut-être pour elles, mais pas pour moi. D’ailleurs, je le constate bien: les marches sont de plus en plus hautes, et le son de la télé de plus en plus bas !

Trèves de badinage. Je me souviens………

Je suis né pendant la dernière guerre mondiale, à Drancy, alors département de la Seine. Je ne m’en rappelle que quelques clichés : un bombardement terrible lors de la libération de Paris, un combat aérien entre avions allemands et américains, et les tickets de rationnement.

 Ma ville natale est une ville ouvrière de la banlieue nord- est de Paris. Je suis né chez moi, en 1942, dans la maison familiale, près de la gare qui est un grand centre de triage ferroviaire.

Michel ROURE - enfant
Michel ROURE – 3 ans

Je grandis dans une famille ouvrière de quatre enfants dans une ville communiste. Mais je n’ai jamais fait partie de cette mouvance. Mes parents, catholiques, préfèrent m’envoyer dans des structures chrétiennes jusqu’à 20 ans!

Michel ROURE à l'armée

Je n’ai qu’une vision très parcellaire de la société quand je pars à l’armée, où j’y ferai deux ans et demi. L’armée se charge de me faire connaître d’autres choses !

Je ne pars pas en Algérie, nous étions pourtant en 1960, mais je reste en Allemagne. Le mur de Berlin est construit par l’URSS et il faut garder quelques fantassins français dans les Forces Françaises en Allemagne (FFA) au cas où la construction de ce mur ne se transforme en cause de conflit entre les Forces de l’OTAN et celles du Pacte de Varsovie. Mais tout restera calme.

 Après ma démobilisation, ne sachant ou m’orienter, je pose ma candidature comme éducateur pour m’occuper de jeunes délinquants. J’y reste  deux ans mais ne poursuis pas. Mais je ne sais pourquoi, j’ai toujours ce mot qui revient en moi « Servir ». 

Et c’est ainsi que je rentre dans la Police.

Pour moi, c’était m’engager dans un service public. J’aurais pu tout aussi entrer dans l’enseignement, les Postes, ou l’armée. Mais peut être le fait que ce soit un bon vieux copain qui me l’ait conseillé, ou que les lectures des enquêtes du « Commissaire Maigret », ont sûrement motivé ma décision. Je suis toujours resté dans la Police. Je ne l’ai jamais regretté.

Je suis nommé Officier de Police Adjoint Contractuel à la Direction des Renseignements Généraux de la Préfecture de Police. Un bac puis un modeste  concours d’entrée m’ont suffi . Mais je ne connais rien à la Police Je vais apprendre à la connaître, par des collègues «sur le tas », et par des ouvrages spécialisés

Je suis affecté à la Section Presse. Mon Service se charge de recenser et de faire parvenir à la Préfecture tous les articles de journaux ayant trait à la Police et aux mouvements sociaux.

Je me rends rapidement compte que les « RG » ne m’intéressent pas du tout. Je demande mon affectation à la Direction de la Police Judiciaire et suis nommé à la Brigade de Protection des Mineurs, quai de Gesvres à Paris. J’y resterai 7 ans.

Michel Roure et sa fille

Entre-temps, en 1966, j’ai épousé Françoise, infirmière. Nous aurons deux filles. 

Nous ne savons pas encore que nous aurons six petits enfants. Mais nous savons que cette année, en 2022, nous fêterons nos 56 ans de mariage.

En 1968 mon épouse, moi même et notre aînée, nous installons dans le 11ème, rue Léon Frot. Nous y resterons jusqu’en 2001. Cette année là nous partons pour la rue de la Folie Regnault, et, de locataires, nous passons propriétaires et de 4 occupants  nous passons à 2…

Mes premiers pas dans le 11ème me plaisent. Je le connais fort mal, mais ma femme un peu mieux, car nous occupons l’appartement de sa tante, partie en maison de retraite. Il y a encore des voitures à chevaux qui transportent les blocs de glace pour les cafés. Mais ils disparaîtront vite, comme les marchands de couleurs, les crémeries, comme les ateliers d’ajustage et les menuiseries car les temps changent.

Un autre monde est en train de naître. Je ne fais pas partie de mouvements politiques ou engagés du fait de mon statut de fonctionnaire de police. Par la suite cela sera possible mais pas de « mon temps ». Mais je fais autre chose car je sens que je vais rester dans cet arrondissement.

Deux associations vont m’intéresser. La première c’est « L’Entraide Charonnaise » qui s’occupe des jeunes en difficulté de la rue de Charonne et des alentours. Notamment en les envoyant, l’été à la colonie de vacances dite «Ker Lann», à Trégastel en Côtes d’Armor.

Je ne vais pas en Bretagne mais assure l’animation à Paris pour parents et jeunes: fêtes, réunions, chants. Et de temps à autre on tape le ballon au Bois de Vincennes.

L’autre s’appelle «Pour et par le quartier». Le 11ème est, dans les années 1970, en pleine mutation sociale, industrielle, humaine, comme je l’ ai déjà dit plus haut. Mais il reste un endroit de revenus modestes avec des gens souvent agés et isolés. Avec ma femme et des amis du quartier nous lançons donc cette association. On fait des balades dans le quartier et des balades en autocar. 

Tout le monde est ravi.

En plus des sorties nous faisons du théâtre! Un couple du quartier, Irène et Henri, comédiens professionnels, décident de monter une troupe et de la faire jouer dans une maison d’enfants handicapés mentaux «La Maison Heureuse».

Nous montons tout nous mêmes, aidés par quelques professionnels: salle, coulisses, costumes, décors. Nous jouerons une dizaine d’années. Mon plus grand souvenir fut celui jouant le rôle principal du « Malade Imaginaire ». J’étais entouré par des “Diafoirus” en folie, sous la houlette d’un médecin authentique entouré des pensionnaires hilares de cette Maison..

 Revenons à la  Brigades des Mineurs. Je suis maintenant appelé « Inspecteur de Police ». Celà me plait. La population aime aussi !

Le groupe d’enquêtes dans lequel je me trouve s’occupe de jeunes signalés disparus. C’est le groupe « dispas ». Celà en fait un certain nombre d’autant plus que la majorité est toujours à 21 ans! J’enquête à Paris dans les quartiers  Nord et en banlieue sur les pourtours de Montreuil, Noisy le Sec, Bondy…

C’est dans ce contexte que je prends contact avec des centres d’accueil, mouvements d’aide à l’enfance, services sociaux, enseignants, associations diverses. C’est de cette période que j’ai acquis la conviction que la police se devait d’entrer en contact avec les structures œuvrant dans le même sens pour confronter les expériences et trouver la solution idéale. 

Là, ce sont les jeunes. Mais pour d’autres missions de police il s’agit d’opérer de la même manière. Celà permet une bonne relation avec la population, ce qui manque tant aujourd’hui.

En 1968 je rentre à l’École de Police dite « Beaujon », à Paris, car nous utilisons les locaux de l’ancien hôpital. Celà dure 5 mois. C’est un peu juste. Heureusement que je potasse le droit à la maison, entre deux répétitions de théâtre.

En 1972, désirant voir autre chose, je demande ma mutation à la Brigade Mondaine, et plus spécialement au Bureau des Stupéfiants. Je rentre au 36 quai des Orfèvres, le saint des saints de la PJ parisienne! Je m’occuperai de dealers et de drogués pendant 3 ans. Mais cette affectation ne me plait pas trop car le climat est morbide, pernicieux, démoralisant.

C’est en 1975 que  je suis affecté à la  Brigade Criminelle. Je voulais imiter “Maigret”  j’y suis…

Je ne serais pas déçu car les affaires dont j’aurai à m’occuper défrayent la chronique: enlèvement du Baron Empain, assassinat du prince de Broglie, attentats terroristes de Septembre Noir et Action Directe. La Brigade a des principes : On commence dernier de groupe et on finit chef. Je ne manque pas à cette mesuration.

Je deviendrai Chef de Groupe avec le grade d’Inspecteur Divisionnaire. Mais mon travail à la « Crim » sera terni par la mort d’un de mes proches collègues, tué en 1978 dans une affaire de terrorisme.

Du fait de missions de plus en plus longues, d’heures de plus en plus passées loin de la maison, de ma famille qui ne me voit plus, je jette l’éponge.

Je pars en 1983. A cette date, je rejoins la Direction de la Formation de la Police Nationale dans un Centre de Formation Continue à Gif sur Yvette.

Après une formation adéquate, je suis chargé, avec toute une équipe pluridisciplinaire de policiers, psychologues, conseillers d’éducation (anciens enseignants), spécialistes divers, de fournir les nouvelles connaissances de ce monde qui change à tous les gradés et pour tous  les Services de la Police. 

Pendant 6 ans je m’occuperai de modules de formation très divers: informatique, management, ressources humaines,  nouvelles formes de délinquance, rencontres avec d’autres acteurs de la vie publique (enseignants, éducateurs, élus, assistants sociaux, soignants…)

Je terminerai ma carrière à la Direction de la Formation. C’est là que viendra l’idée de mettre des psychologues dans les Services de Police.

Je pars en retraite, quelque temps avant l’an 2000. C’est vers ce temps là que je commence à avoir des problèmes de malentendance, de l’arrivée d’acouphènes et suis un peu désorienté. C’est alors qu’avec deux amis, nous montons une association pour préparer, pèlerins ou marcheurs, à aller à Saint Jacques de  Compostelle. Notre association a immédiatement du succès. Elle en aura encore plus lorsque, en 2001, nous décidons d’emmener des pèlerins handicapés en Espagne sur des joëlettes.(*)

En 2015, j’écris un livre “Brèves de Police » où je raconte ma vie de policier.

Livre de Michel Rouge"Brève de Police"
« Brève de Police » par Michel ROURE

Peu après je mets en place, dans Paris, des balades intitulées “ Sur les Pas du Commissaire Maigret “ ou “Le Père Lachaise inconnu “. J’ai du monde…Ces mêmes années je m’inscris au Conseil de Quartier «Léon Blum/Folie Regnault, » commissions propreté et sécurité. J’y reste 4 ans car l’âge commence à peser. Ce qui ne m’empêche pas de créer mon blog “Michel Roure raconte”

Pour 2023 j’ai une idée.  Mais cela est une autre histoire !

(*) La joëlette est un fauteuil muni d’une roue unique, située sous le fauteuil, et de deux brancards, permettant ainsi de véhiculer la personne en situation de handicap.