Avec l’association le Jardin des habitant du 179 rue de Charonne, Gérard Lauret oeuvre depuis de nombreuses années pour le quartier et ses habitant.es, de tout âge et de toutes origines. Il nous partage ici une formidable expérience de création, de solidarité et de vivre ensemble.
En vivant des choses ordinaires de la vie quotidienne, Gérard Lauret a toujours trouvé la joie de vivre ensemble. Avant de venir habiter dans le HLM du 179 rue de Charonne, Jeannine et lui, avec leurs trois enfants, avaient vécu 17 ans dans 40 m2 rue Basfroi. Cet appartement, personne n’en voulait, il y avait tellement de travaux à faire, mais le loyer n’était pas cher. Très vite, des liens se sont créés entre la douzaine de locataires, très différents de par leurs origines, leur histoire, leurs métiers. Pourtant ils ont appris à vivre avec et petit à petit, à s’apprécier. « Vivre ensemble devenait pour moi une réalité », se souvient Gérard.
Quand ses enfants ont commencé à aller au groupe scolaire de la rue Saint-Bernard, Gérard s’est très vite associé à celles et ceux qui étaient déjà là pour faire quelque chose ensemble : enfants, parents et quelques enseignants, avec l’aide de la FCPE. Ce groupe scolaire comprenait 16 classes en primaire et 7 classes en maternelle pour un effectif total de 542 enfants. Cette nouvelle équipe était très présente au sein de ces deux écoles, le travail me permettait d’être là, soit le matin à l’entrée soit le soir à la sortie, pour aussi parler avec les familles et rencontrer tel ou telle enseignant.e ou directrice.
Gérard et ses amis.es ont alors créé un journal, « Le Kaléidoscope », où les enfants ont pu s’exprimer librement, ont organisé des fêtes, des sorties en familles, quelques repas autour d’un couscous, du soutien scolaire (hors de l’école). Ils ont aussi défendu des enfants et leur famille qui se retrouvaient sans logement. « C’est là que j’ai vu des enfants venir à l’école pieds nus et, avec un copain de notre fils Julien, partager quelques croissants à la boulangerie du coin, explique Gérard. Partager nos vies comme nous partageons l’air que nous respirons ».
Le groupe, très représentatif de l’ensemble des familles, participait activement aux trois conseils d’école de l’année, après avoir pris soin de bien les préparer avec plusieurs parents. « C’est devenu une passion pour moi et une lutte quotidienne contre les forces d’inerties. Je pense que la période où nos enfants sont en maternelle et en primaire, est une période formidable où nous pouvons agir pour le bien de tous nos enfants, tout en étant de milieux sociaux très variés ». Quand Gérard et sa famille sont arrivés au 179, en 1987, ils se sont sentis accueillis, avec une association de locataires déjà active depuis plusieurs années, l’AGECA juste en bas et le B.P. (Bon Pasteur) avec son équipe de prêtres ouvriers. C’est un immeuble de 127 logements, où vivent environ 400 personnes. « Tout de suite, je m’y suis senti à l’aise et disponible pour m’engager avec Jeannine et nos enfants (qui ont souvent participé à nos activités) dans l’association de locataires, pour la Vie des habitants du 179 avec les amis et voisins du quartier ».
Pour Gérard, défendre les droits de locataires pour un logement décent et un bon cadre de Vie, cela veut dire avoir une attention toute particulière aux personnes d’abord, à nos logements, à toutes les infrastructures, à notre environnement ( le quartier) et enfin, « une chance extraordinaire », la cour et le jardin (1500 m2 environ).
« Que ce soit en tant que parents d’élèves, que ce soit en tant que locataires nous avons toujours en face de nous des gens qui ont des connaissances précises pour exercer leur métier d’enseignants ou de gestionnaires d’immeubles, maîtres d’ouvrage… Devant cette réalité, j’ ai appris, et j’apprends tous les jours, que si nous voulons nous faire entendre, il ne faut pas aborder les problèmes en dilettante. Autrement dit : il faut agrandir nos connaissances, être à l’écoute des habitants et ne rien faire à moitié. Nous ne sommes pas de simples consommateurs qui attendent passivement que les décideurs agissent. Certes ils agissent mais en fonction de leur propre regard, l’autre regard c’est nos vies, ces nos lieux de vies et pour plusieurs : jusqu’à notre mort. »
Vivre au 179 et dans le quartier charonne, Gérard n’a pu le concevoir sans un véritable enracinement. « Pour cela il faut se sentir bien, là où on est. Au lieu de rêver à un autre logement, ce qui m’est arrivé aussi, il vaut mieux VIVRE VRAIMENT AUJOUD’HUI, et je ne conçois pas de vivre sans partager, sans aimer ce lieu et les gens qui l’habitent. Nous sommes tous arrivés dans cette maison, venant de différentes régions de France et du Monde (d’une trentaine de pays environ) et ça se passe dans une bonne entente. »
« Dans les statuts de notre association il y a des mots importants tels que : « défendre nos droits » « prendre en charge notre cadre de vie » et « ANIMER » au sens latin animus : souffle, âme, ce mot sans lequel les autres perdent toutes leurs saveurs. Ainsi, malgré les incompréhensions, les indifférences ou le chacun pour soi, nous vivons tous sous le même toit et, avec nos amis et voisins, dans le même quartier. »Depuis les dizaines d’années que Gérard habite à Paris, il a toujours considérer comme une chance de vivre tout proche de gens de cultures très diverses. « A travers nos fêtes (barbecues, fêtes de fin d’année…) nos sorties à la mer, nos sorties culturelles, le jardin partagé, la petite chorale des enfants, le Grand Déballage… nos services mutuels… les nourritures traditionnelles que nous partageons entre voisins… toutes nos rencontres conviviales ouvertes à toutes et à tous, à travers tout ça, je pense qu’un souffle de vie passe entre nous et nous rend heureux de vivre ensemble, ici et maintenant. Mais j’ai envie de dire : sans se prendre au sérieux, avoir un peu de fantaisie, de légèreté, un petit brin de poésie comme un petit coin de ciel bleu et surtout imaginer la vie… autrement ! »
« J’aurais bien d’autres choses à dire sur ma vie professionnelle à La Poste, de 1976 à 1998 en étant syndicaliste de base, dans le plus grand centre de tri manuel de France à l’époque où, là aussi, j’ai senti l’importance et la joie d’agir ensemble pour un monde meilleur. En tout cas, soyez certain que je ne suis pas un héros. »
Peut-être… Un poète, en revanche, c’est certain.
Je vois, de ma fenêtre, l’arbre de judée.
Il y a un an, nous l’avons planté dans la cour,
Dans un grand bac , trouvé pas très loin de chez nous.
Comme tous les arbres, il est là, hiver comme été.
Ces belles feuilles rondes sont comme des ondes,
Qui se répandent partout, à travers le monde.
Ses branches, ses bras, ne cessent de s’allonger
Pour venir, dans l’empressement, nous embrasser.
Perdu dans mon appartement, tout confiné,
Je vois, de ma fenêtre, l’arbre de judée
Il me dit: « Enfin ! pourquoi cherches-tu ailleurs ?
Le moineau a bien trouvé, chez moi, le bonheur ! »
Tout d’un coup, je me suis retrouvé dans la cour,
Bien sûr, il m’attendait et, je l’ai embrassé,
Plus besoin de masque, la vie l’avait chassé
Ce virus, dont aucun n’a jamais fait le tour.
Toi, qui est planté là, jeune et fragile
Avec toi je suis là, âgé et fragile
Secoué par le vent, tu résistes encore
Alors, je préfère les plus faibles aux plus forts.
Les savants le nomment: cercis siliquastrum
Il nous vient des pays où pousse l’olivier
Pour nous convier, lui aussi, à nous accorder,
Et, près de cet arbre, partager un loukoum,
Un loukoum frais, aux couleurs et parfum de rose,
Un soir d’été, dans la nuit, où tout repose.
– l’autre regard –
Gérard Lauret et Louise Rozès Moscovenko
2 réflexions au sujet de “Nos héros du 11ème – Gérard Lauret”
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Bravo gerard
nous avons tellement besoin des gens comme toi
pour mettre du lien
pour un vivre ensemble dans l’harmonie
merci pout tout ce que tu fais
Bravo.
Ca me remonte le moral et j aurai plaisir a vous rencontrer.
CORDIALEMENT MARTINE