Julio LISBOA de CrokCiné : « Tout le monde a le droit de se divertir, de découvrir, de partager, de comprendre, choisir,… »
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Julio LISBOA

André Malraux, Balzac, Saint Exupéry, Desireless, le mirage … la France resonnait déjà en moi !!! Une sirène retentit à l’école préparatoire des cadets de l’armée de l’air à Barbacena, au Brésil. C’étaient nous les Top Guns !

Tancredo Neves, Président fraichement élu par le suffrage universel au Brésil est décédé. Depuis le coup d’État militaire de 1964, c’était la première fois qu’un civil était amené à diriger le pays. Il mourra des complications d’une opération avant son entrée en fonction en 1985. Sur ce contexte politique, je quitte la base contre les consignes très claires de la part du ministère des Armées. Le scénario était favorable pour un putsch. Les militaires tenaient à reprendre le pouvoir. Donc, au revoir…

Une douce balade de 2 ans à l’université en lettre modernes pour quelques réponses dans l’univers de Virginia Woolf et Fernando Pessoa.

À mon arrivée en France , 14 septembre 1989, année du bicentenaire de la Révolution Française et de la Chute du mur de Berlin, j’ai atterri au 8 rue de Marseille Paris 10e pour une courte période d’observation, de flottements sur les bords du canal Saint Martin. Puis direction au 7 rue Simon Le franc dans le Marais pour 10 ans. Au coucher du soleil, l’ombre de Beaubourg rentrait par ma fenêtre quand, très rarement je ne me trouvais pas à la BIP, bibliothèque Beaubourg, accompagné de mon sandwich au camembert, moteur majeur de mon apprentissage du français.

Un rituel quotidien pendant 6 mois consécutifs, de l’ouverture à la fermeture, jusqu’à trouver une certaine autonomie dans le parler Molière… à ce moment précis je me suis surpris à rêver en français, le point du « non retour ».

Je me donne le temps d’enrichir mon vocabulaire en collaborant avec un agent courtier en assurance Assur Media, Mr Guy Maurice, juif tunisien, honorable personnalité de la Place de l’Opéra. L’Opéra de Paris, source de création du Théâtre Municipal à Rio de Janeiro, sa proximité me rassure et me retient pour 6 ans sublimes de rencontres.

Une petite balade et je me surprends agréablement au 52 rue de la Victoire Paris 9e, siège social d’AXA pour 3 ans.

Enfin me voilà avec une visibilité de 2 ans pour essayer de mettre en place un programme de combat contre l’illettrisme.

L’association « Désir de Lire » est née d’un effort collectif de 4 camarades rêveurs de l’action sociale autour du livre en 1998.

Divers groupes de travail pour la mise en place du programme bilatéral, entre la Ville de Rio et la Ville de Paris, pour combattre l’illettrisme. Le tout avec le soutien de Sebastião Salgado, et sur les traces de Daniel Pennac.

Les promesses de financements des institutions tardent, et la difficile décision d’avorter le projet est prise. Plus d’économies personnelles, quoi faire avec mes camarades qui se sont tellement impliqué.es dans mon désir ?

Dans mon agenda figurait un échange avec les organisateurs du Festival Onze Bouge qui venait de finir leur toute première édition. Une fierté personnelle, quand en 2020, quelques décennies plus tard, j’ai rencontré, Sabrina Slimani, l’une de mes trois camarades, dans un poste de responsable du festival. Mes 3 camarades de « Désir de lire » ont participé de cette belle aventure, ont fait vivre le festival. Mission accomplie ! Je prends le métro pour m’arrêter à une station de métro de Paris 11e où j’ai finalement posé mes valises jusqu’à ce jour.

J’arrive en retard pour la projection d’une avant-première au cinéma Latina, aujourd’hui Luminor. À la sortie de la séance « elle » a le regard ébloui par le film. Mes excuses pour le retard sont à peine acceptées, avec un soupçon de soulagement qui me rassure sur le moment présent. Et me rassure encore aujourd’hui, 18 ans plus tard. Me voici converti au cinéma, par cette jeune productrice de cinéma, Séverine Roinssard , aujourd’hui mère de nos 3 enfants bretons-carioca, ébloui par le film de la vie.

Pour Crok Ciné, nous avons démarré à l’international. Séverine et moi-même en voyage au Chili, au Brésil avec notre petit bout, ne trouvions aucune proposition de cinéma de qualité pour un jeune public. Séverine a donc imaginé le programme d’éducation à l’image et par l’image, Crok Ciné, au Chili et lui a donné vie sur place avec l’appui du Conseil des Arts et de la Culture Chilien, équivalent du ministère de la Culture. Le programme d’éducation à l’image et par l’image Crok Ciné a ensuite beaucoup voyagé, au Brésil bien sûr, en Inde, à Madagascar, au Liban, en Palestine, Mexique, … Avant de retraverser l’Atlantique et s’adapter en France sous une forme différente. Notre première à Paris… Alexandre Viscontini nous a proposé de participer à la fête du Jardin Truillot en hiver de l’année 2019, premier cinéma en plein air l’hiver avec Crok Ciné.

Je pense qu’on s’est connu au FSE du Collège Beaumarchais. Pendant le programme de courts-métrages , il part accueillir sa belle-mère. À son retour, aucun doute, c’est Jeannine, ma professeur de français à « l’école Top Gun » ! Sans dire un mot on se prend dans les bras pendant longues minutes. Moment magique ! 35 ans plus tard.

Les retours du public, et associations de quartier présentes à l’évènement, nous ont donné la force de faire vivre Crok Ciné à Paris.

Notre cœur de métier est le cinéma d’auteur et les cinémas du monde. J’aime bien dire que Crok Ciné offre des court-métrages comme on offre un bouquet de fleurs. Nous proposons des courts métrages de fiction, documentaires, animations, contemporains ou de patrimoine, avec ou sans dialogues, adaptés à chacun de nos publics. Nous utilisons le 7eme art comme outil d’expression artistique, culturel et sociétal.

Pour quoi Crok Ciné ?

Parce que tout le monde a le droit de se divertir, de découvrir, de partager, de comprendre, de choisir,…

L’art et la culture font partie de la « santé mentale » de tout individu et doivent s’adresser à tou·tes

Pour former des individus responsables, confiants, pour construire une société responsable, décisionnaire.

À l’heure de transitions essentielles sur les plans écologiques, sociaux, sociétaux, cela nous semble plus important que jamais. Pour y parvenir, un travail de proximité et mixité sociale est absolument nécessaire.

C’est en ayant chacun une bonne estime de soi-même et en se connaissant les un.es les autres que l’on parviendra à enrayer la violence sous toutes ses formes.

Cela peut sembler de grands mots, mais à Crok Ciné, on le vit, grâce au cinéma !

De plus en plus on imprime la touche mémoire sur nos travaux, pour aller de l’avant.

En ce moment, les CM2 de l’école Belleville travaille avec l’artiste plasticien Hyacinthe Ouattara, dont de l’exposition en cours à la 193 Gallery s’intitule « La Mémoire du Monde ». Celle-ci contient les multiplicités des mémoires, l’observation d’empreintes, de traces mais aussi d’ancestralité comme pulsations du monde mais également comme une quête de l’existence et des humanités. Nous sommes aussi bien ancrés dans les thématiques écologiques, notamment avec la sensibilisation à la transition écologique avec le programme éco délégués des collèges du 11e.

Nous projetons de très beaux films courts traitant de façon poétique et convaincante de ces sujets. De plus, un générateur solaire portatif nous permet d’être complètement autonome en énergie pour nos projections.

Et tout récemment, avec Séverine nous avons réalisé un film documentaire sur la thématique du bien vivre avec le VIH. Il ne faut jamais renoncer à ses rêves…. C’est le message que nous communiquons à nos publics de Crok ciné et à nos enfants… Croyez en vous, et surtout, écoutez-vous – c’est le plus important – et peut-être le plus difficile à notre époque, où l’on est trimbalés entre informations orientées et concepts.