Étant petite, je recevais régulièrement comme appréciation et réflexion, discrète et tête en l’air, et cela a toujours été interprété comme “une enfant la tête dans les nuages”. Beaucoup de choses ont changé. Mais une chose est sûre, j’ai su préserver une partie de cet univers pour y divaguer au quotidien dans mon métier.
Aujourd’hui, designer d’espace, conceptrice en design global, et jeune entrepreneuse dans le collectif Osmo que j’ai co-créé, je m’épanouie dans des projets divers où je peux exprimer mes idées créatives.
Quand l’on est enfant, nous sommes immergés dans le jeu de l’imaginaire. De fait, nous dessinons, nous testons de nouvelles choses et pratiques jusqu’à obtenir le résultat que l’on désire, sans crainte de l’échec. Il y a une relation sans entrave au processus créatif. Dès qu’une personne perd son lien avec son expression créative, elle perd une partie de sa liberté personnelle. C’est incroyable le nombre de personnes que j’ai entendu dire : “Je ne suis pas créatif”. Tout ce que vous avez à faire, c’est passer du temps avec un enfant pour comprendre que la liberté est innée.
Ce besoin d’imaginaire m’a continuellement porté, j’ai toujours été intimement convaincue que je souhaitais être architecte ou décoratrice. 13 ans de cours de dessin, ont forgé mon envie de me réaliser en concevant des espaces, en les comprenant et en imaginant les interactions qu’il pouvait y avoir. La rencontre avec ma professeure de dessin, a abrité en moi ce besoin irrésistible de dessiner, même une sorte d’aliénation à retranscrire tout ce que je ressentais sur le papier. Je suis restée très longtemps dans cette bulle protectrice de la création.
À présent, mes pratiques ont changé, et surtout, je me suis ouverte et j’ai grandi dans ce monde du design et de l’architecture, en étant diplômée d’un Bts/bachelor en Design d’Espace. Mais ce qui a fondamentalement ancré mon travail actuel, mes valeurs, et mes intentions, est mon parcours dans le master de Design Global, recherche et innovation. Déjà de par les rencontres pendant ce master et par cette folle envie de découvrir de nouvelles pratiques.
Mon envie de liberté et de découverte était tellement forte que je me suis mise en tête de partir absolument à Bali en stage, en pleine pandémie de covid en 2021. Après des mois de préparation de ce voyage professionnel, malgré les frontières fermées, et des conditions d’entrée et de séjour plus qu’instables, j’arrive sur cette île pour 5 mois. J’intègre en tant que designer d’espace, une agence d’architecture et de design autour de l’éco-responsabilité et de la connexion avec la nature. Cela a été une vraie révélation, d’apprendre auprès de ces architectes, ingénieurs, et artisans indonésiens, qui conçoivent et construisent en harmonie avec la biodiversité et localement. Au-delà de cette ouverture entre l’intérieur et l’extérieur, qui a été très enrichissante, cela a été aussi ma propre expérience à l’étranger qui a forgé mon leitmotiv d’entreprendre pour des projets qui ont du sens et qui portent une attention particulière au territoire et au social.
Cette approche autour du territoire s’est donc amorcée grâce à ce voyage. Nulle autre expérience n’est aussi permissive et ouverte que le voyage. Et il a été très initiatique, pour moi-même et pour mon métier de designer. J’ai réitéré l’expérience, l’année qui a suivi, dans une agence d’architecture à Marrakech. Une plus petite entreprise, mais de très grands projets, pour une femme qui a su construire son réseau seule dans ce monde masculin. Un véritable exemple d’entrepreneuriat, qui m’a conforté dans mon choix de création de collectif de design et d’auto-entreprenariat.
Actuellement, avec Marie Ousten, cofondatrice de notre studio Osmo, designer de produits, et conceptrice de design global, nous déployons une attention toute particulière d’imaginer des projets ancrés dans le territoire. Osmo, c’est l’histoire de jeunes designers, qui souhaitent avant tout entamer de nouvelles réflexions sur notre rapport à l’espace, au territoire, au paysage, à l’architecture, à l’objet et bien plus encore.
Mais en fait, qu’est ce que le design ? Et surtout, quel est notre rôle ? C’est la création au service d’une fonction, notre rôle c’est de concevoir, nous sommes des observateurs et prescripteurs engagés des usages de nos espaces intérieurs et extérieurs, sur toutes les échelles du territoire, de l’habitat et de l’humain.
Nous développons chez Osmo, une approche pluridisciplinaire et exploratoire. Nous nous axons sur des questions territoriales et sociales qui suscitent notre intérêt commun. Le collectif s’oriente autour d’une vision éthique et responsable. Osmo est engagé autour des problématiques du territoire, de son environnement et de ses acteurs.
Notre démarche prend forme à travers des workshops, des balades et ateliers pédagogiques, s’adressant à un public varié (familles, scolaires, étudiants, entreprises, etc.), par le biais de la cartographie sensible et subjective.
Notre objectif principal est de sensibiliser les individus à différentes typologies de territoire afin de les encourager à se réapproprier l’environnement qui les entoure, en mobilisant leurs sens et en partageant des expériences enrichissantes.
Parmi, des projets de médiation et sensibilisation, nous animons des ateliers pour toutes les générations. Il y a notamment des temps périscolaires, pour le CAUE de Paris (Conseil d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement), en école élémentaire sur le thème de l’architecture, l’histoire et l’environnement. Cela me permet de rester immergé dans le jeu de l’imaginaire.
En parallèle, nous développons également des projets d’aménagement, de scénographie ou encore de mobilier autour de cette éthique. Notamment dernièrement, avec notre participation à la Paris Design Week 2023, et notre projet “De l’eau à la terre”, exposé à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Il tend à mettre en avant des savoir-faire et à utiliser, au maximum, des matériaux issus du réemploi et/ou naturels. Nous avons conçu des totems urbains pour nos villes. Reprenant l’imaginaire des forêts, les totems questionnent le mobilier urbain, à Paris. En se confrontant à ces derniers déjà présents, ils initient une approche sensible avec les habitants et les passants. L’installation attire, interroge et sensibilise sur le rapport et la présence de la nature au sein des villes.
En récupérant des terres de chantier, elle rend compte de la diversité des sols présents en Île-de-France et de leurs capacités d’absorption de l’eau et de la faculté à nourrir un espace. Par l’ensemble des techniques et matériaux qui la composent, une micro-économie circulaire se crée, instaurant des îlots de fraîcheur pouvant être auto-suffisants.
Les totems amènent un échange avec les habitants, à mesure de son évolution. Le renouvellement des matériaux permet d’allonger la durée de vie de l’installation et invite ces derniers à interagir avec elle.
La terre irrigue, nourrit et contient un éco-système permanent, montrant la diversité de ses possibles.
Présente sous différentes formes, la terre est l’élément central de l’installation.
En terre cuite, les drains captent et stockent l’eau qui vient ensuite irriguer les végétaux. Les drains proviennent d’un agriculteur, à Saint-Mars-Vieux-Maisons (Seine-et-Marne), qu’il avait hérité de son père. Auparavant enfouis sous terre, les drains servaient à irriguer les exploitations. Ils sont aujourd’hui délaissés au profit de matériaux tels que le PVC.
En terre crue, les briques sont fabriquées selon la technique traditionnelle du pisé, sans liant ni matière supplémentaire autre que la terre. Elles sont moulées et compressées à la main, artisanalement.
Dans cette volonté, d’insuffler de nouvelles réflexions autour de la protection du territoire, par le réemploi et la sensibilisation à ces derniers, nous avons participé à la communication de la SERD (La Semaine Européenne de la réduction des déchets) pour la Mairie du 11e arrondissement de Paris. Avec Marie Ousten, nous avons imaginé un logo et une signalétique, pour cet événement qui se déploiera du 18 au 26 novembre dans le quartier sous forme de déambulation avec des acteurs œuvrant pour le réemploi autour du textile et du bois.
Avec le collectif, notre but est d’avoir une approche globale autant dans la sensibilisation au public, que de nos projets autour du réemploi et de la biodiversité ou même de notre rôle en tant que designer pour d’autres entreprises autour de la scénographie, l’architecture d’intérieur, de la signalétique, de graphisme, de cartographie ou du mobilier. Notre leitmotiv est de faire germer nos idées et celles des autres en tant que conceptrices et designers.